HISTOIRE DE ROUTE


MONSEIGNEUR RACONTE RACE OF THE ORIGINS

Posté le 08 Décembre 2012 - retour carnet de route


Monseigneur Je ne pensais pas que ce serait si facile, une évidence, une promenade, un parcours de santé… Je ressens une douce chaleur, sans doute les rayons du soleil qui caressent ma peau. Je le savais qu’à 9h30 passé de quelques minutes j’entendrai le chant des mouettes, le cliquetis des amarres de bateaux. Je le savais que j’admirerai cette étendue d’eau turquoise devant moi, éclairée par ce ciel d’un bleu si pur.

Pour un samedi matin, je trouve le vieux port de la cité phocéenne désert, même le Tanker n’est pas arrivé. Peu m’importe, je savoure ma victoire, assis à la terrasse de La Samaritaine avec le 51 (je t’aime) à la main. A cet instant, j’entends qu’on m’appelle, sans doute le Tanker ou Fario qui arrivent à leur tour: «Oh Monseigneur? Faut y aller maintenant!»

J’ouvre les yeux. Il est minuit et ça sent le mélange. Mécaniquement, je démarre ma TSA d’une petite poussette et c’est parti. A la sortie de Solignac, je ne vois qu’à peine les feux de Fario, Big Rems et Flanders partis devant moi. Par contre, je retrouve mon frère qui n’a pas réussi à démarrer! 100 mètres de course et je joue déjà les bons samaritains. Je repars dans la nuit ne sachant pas que, derrière moi, Lord et Prof relisent le manuel d’utilisateur de la 104 Savane: «Tout d’abord ouvrir le robinet d’essence…» Ca commence là.

Plus loin, je suis heureux de retrouver Flanders. Je me cale à son niveau. Il me regarde, je le regarde: «T’es au max là?» Sans attendre sa réponse, j’ouvre les gaz et le laisse derrière moi. Ce n’est que 6h et 16minutes plus tard que j’apprendrai son abandon…

2 kilomètres plus loin, pause. Je suis sur des routes qui n’existent même pas sur ma carte. Pas de panneaux et personne pour m’indiquer la direction du Chambon s/Lignon! Je réalise alors le net avantage des locaux de l’étape.

Je décide d’attendre un poisson pilote. Je pense voir Flanders qui pointe un phare derrière moi. Deux phares? Non, c’est Lord et Prof qui passent en trombe et ouvre la voie.

La route et les panneaux de signalisation défilent: Chambon s/Lignon, D103 St Agrève, les premières gouttes, D21 Nonières, de l’eau du ciel, D120 Le Cheylard, un déluge? Les Gorges de L’Eyrieux et mes premières pannes d’allumage. Ma TSA repart après quelques furieux coups de pédales. St Fortunat ou comment écrire un texto à 2heure du mat’ sous la pluie avec les doigts fripés qui tremblent. La Voulte s/Rhône et 94 km compteur. Dans mon rétro toujours cette lumière. C’est Piston qui accroche ma roue et prend l’aspi. De nuit c’est mieux, on fera la route à deux.

Il paraît que le Commissaire m’a vu passé. Moi pas. Trop vite, trop de concentration, trop de pluie et pas de visibilité dans ce masque qui préservera mes yeux fatigués. A la Voulte, je m’arrête sous le porche du distributeur de billet de La Poste pour regarder la carte. Plus tard, j’apprendrai que Fario et Big Rems viennent à peine de repartir après avoir passé 10 minutes dans le sas de la BNP…

La route, la douche, le froid vif et pénétrant, D86 Le Pouzin, Rochemaure, traversée du Rhône et les lumières de Montelimar. Espeluche pour le 141ème kilomètre en 4 heures et le texto au Commissaire. D4 Grignan, D941 Valréas, Nyons et la mise en route du séchage express avec des rafales de vent. D538 Vaison-la-Romaine, il fait 15°c et je grelotte!

Malaucène, la libération! Après 6h16 et 211 kilomètres de course sous la pluie, voici le premier point de passage obligatoire. Je ne sens plus mes pieds, ni mes doigts. Des lumières apparaissent au travers des fenêtres closes. Je claque des dents. La pause s’impose. Avec Piston, la décision est prise de s’arrêter au bar. Les deux vaillantes TSA sont côte à côte, parquées sur la place centrale du village. A notre entrée, la vision surréaliste de quatre gaillards et leurs paires d’yeux étonnés, assis au comptoir et faisant semblant de prendre un café (on le sait dans ces contrées reculées, à cette heure matinale, ils ont déjà sorti la bouteille de blanc). Puis la question du Barman: «Tiens, vous êtes revenu? Parce que je vous ai vu passé il y a 20 minutes…» Et merde, Fario et Big Rems sont devant… On le savait mais c’est moche de l’entendre dire par une voix innocente… Tant pis, la route est encore longue. Un petit café, quelques explications avec le Barman puis la question rêvée: «et au fait, c’est par où Marseille?». 4,5litres de mélange dans chaque TSA et c’est repartie! Je pense à ce bar, où va circuler toute la journée la rumeur d’une course de mob légendaire. Ou dans la description du barman, je deviendrai tour à tour un forçat de la route et un demi-dieu…

D938 Carpentras, une averse, L’Isle sur la Sorgue, des rafales de vent (de face c’est mieux) et enfin D5 Bonnieux, le 2ème point de passage, au kilomètre 286 de ce périple. Il est 8h30. La douche c’est remise en route. A la couleur du ciel, elle n’a pas l’air d’avoir envie de s’arrêter avant longtemps. Moi qui rêvai d’un torrent de soleil filtrant entre les branches des peupliers, je suis servi!

Le commissaire annonce Big Rems et Fario la Révolte devant, et une victoire probable de Lord et prof'! J’ose à peine y croire. Il faut souder cette poignée de gaz! En avant pour de la belle route à brêles avec la descente de la D943 vers Lourmarin et des pointes qui doivent frisées les 60km/h puis la D543 qui passe par Eguilles avant de rejoindre la D60 et la D8 qui montent vers Cadolive. Point kilométrique 362. Il est 10h43! Il pleut, j’ai froid, j’ai mal partout, mes yeux piquent de fatigue mais je suis déjà heureux… Je sens déjà au fond de moi qu’un héros de la route se construit, que l’arrivée n’est qu’à deux pas et que, quoiqu’il arrive, c’est une victoire personnelle que je remporte. Des souvenirs pour toujours, un mythe dans les histoires de familles, une légende pour des générations…

Le sourire aux lèvres pendant la descente sur Marseille par la D908. Le même bonheur que mimi-cracra qui saute dans les flaques avec ses bottes! L’entrée dans Marseille: «Tiens, t’as vu ce panneau carré bleu avec une voiture blanche au milieu!?» «M’en fout», «Il est où le vieux port!?» quelques coups de klaxons, des hésitations, de l’impatience mais au bout du tunnel: La Samaritaine!

Il est 11h42 et la TSA vient se ranger tout doucement à côté de deux motobec rincées. Elle a 388 kilomètres de plus sur son joli compteur chromé et je lui flatte les flancs, la félicite d’avoir tenue le coup. Elle ne me demande pas si elle peut voir la mer. Elle s’en fout et moi aussi. On a déjà pris trop de flotte pour aujourd’hui.

«Garçon, un 51 s’il vous plaît!»

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